La Cour de cassation a décidément la volonté de mettre le droit français en conformité avec le droit européen. Déjà, par un arrêt surprise de 2023, elle avait précisé que les salariés avaient droit au report de leur congés payés, s’ils se trouvaient en incapacité de les prendre du fait d’une simple maladie.
Avant cet arrêt, le Code du travail français réservait cette possibilité uniquement aux arrêts d’origine professionnelle.
Cependant, le droit français était en contradiction avec le droit européen qui depuis une directive de 2007 prévoyait expressément le droit au report du congé en cas d’arrêt de travail, sans distinction de l’origine professionnelle ou non.
Cet arrêt de la Cour de cassation a poussé le législateur français à modifier les textes, ce qui a conduit à la loi du 22 avril 2024 modifiant les dispositions du code du travail sur ce point, et prévoyant les modalités de report des congés payés.
La Cour de cassation poursuit aujourd’hui son œuvre, et aborde en ce mois de septembre la question des congés payés confrontés aux heures supplémentaires et à l’arrêt maladie pendant la prise des congés.
Avant d’aller plus loin sur ces arrêts, il convient de rappeler la position du droit avant ces décisions.
Concernant les arrêts maladies en cours de prise des congés, il fallait vérifier si l’arrêt avait débuté avant ou après le début de la prise des congés.
S’il avait débuté avant, les jours de congés n’étaient consommés, et le congé était reporté d’autant que l’arrêt avait duré.
A l’inverse, si l’arrêt débutait après le début des congés, aucun report n’était envisagé, et les congés étaient perdus.
Dans son arrêt du 10 septembre 2025, n°23-22732, la Cour a mis fin à cette pratique.
Désormais, et très simplement, un arrêt survenant au cours des congés payés, ouvre droit au report des congés coïncidant avec la période d’arrêt.
La Cour expose très clairement dans sa décision sa conformité au droit européen, en citant l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, laquelle avait déjà donné lieu à des décisions de la CJUE (CJUE, 21 juin 2012 Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED), C-78/11).
Il convient de préciser que cette position était attendue, compte tenu de l’arrêt de 2023 qui avait initié le report de congés payés en cas de maladie.
Dans un second arrêt du même jour, n°23-14455, les congés payés ont été confrontés à la problématique des heures supplémentaires.
La question était effectivement de savoir si un salarié, ayant travaillé plus de 7 heures sur plusieurs journées de travail au cours d’une semaine, pouvait prétendre au paiement d’heures supplémentaires, dans la mesure où les autres journées ont été prises en congés payés.
Autrement dit, est ce que les congés payés font perdre le bénéfice des heures supplémentaires ?
La Cour de cassation a une fois de plus tranché avec la position antérieure.
Auparavant, la prise des congés payés faisait perdre le bénéfice des heures supplémentaires, le code du travail prévoyant le déclenchement des heures supplémentaires au-delà de 35 heures de travail effectif.
Or, une lecture stricte des textes conduisait nécessairement à considérer que les congés payés n’étaient pas du temps de travail effectif.
La Cour rompt avec cette position et fait de nouveau application du droit européen, en rappelant que :
« La Cour de justice juge que l’obtention de la rémunération ordinaire durant la période de congé annuel payé vise à permettre au travailleur de prendre effectivement les jours de congé auxquels il a droit (CJUE, 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a., C-131/04 et C-257/04, point 49 ; CJUE, 13 décembre 2018, Hein, C-385/17, point 44) »
Le but est donc de favoriser le repos sans que quoi que ce soit ne puisse permettre de considérer que le salarié serait financièrement perdant dans la prise de ses congés.
En l’espèce, l’employeur a exclu les jours de congés payés du décompte des heures supplémentaires de son salarié, et a, de ce fait, considéré qu’aucune heure supplémentaire n’était dû.
Forte de ses rappels de droit européen, la Cour a conclu que :
« Le décompte adopté par elle excluait les périodes de congés payés de l’assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Les jours de congés payés doivent entrer en ligne de compte pour le calcul des heures supplémentaires.
Chaque journée comptera pour le temps que le salarié aurait travaillé s’il n’avait pas été en congé (par défaut 7h/jours pour une durée du travail de 35h/semaine).
Ces nouvelles règles sont évidemment plus favorables aux salariés.
Pour les employeurs, il conviendra de les mettre en application dans les meilleurs délais, d’une part, et de se préparer à l’introduction de procédure en rappel de salaire, d’autre part.